Saint-Nicolas le Painteur

L’église paroissiale St-Nicolas était située dans la rue du même nom, sur une place faisant face à la rue de la Croix de Fer. Elle a maintenant disparu. C’était un simple sanctuaire paroissial par sa taille mais, elle possédait de très beaux vitraux Renaissance.
Elle a aussi porté le nom de St-Nicolas-d’Albane, du fait de la proximité du collège du même nom, édifié près de la rue de la Croix de Fer, l’église fut aussi qualifiée de St-Nicolas-le-Painteur (ou église St-Nicolas-le-Peinteur devenue St-Nicolas-le-Peintre). Des peintres-verriers s’étaient alors largement regroupés sur la paroisse ainsi que de simples peintres ou écrivains et aussi des enlumineurs. Guillaume Barbe, peintre-verrier de la cathédrale de 1459 à 1485, demeurait alors “à Rouen, en la paroisse de St-Nicolas”.
L’existence de  l’église St-Nicolas est attestée dès XIIe siècle, mais elle est vraisemblable dès le XIe siècle. Le vocable était alors très couramment employé dans notre pays, à l’époque où s’effectua la translation des reliques du saint évêque. Elle est d’abord mentionnée dans une donation du chapitre de la cathédrale en sa faveur.

A ses origines, c’était la chapelle seigneuriale du manoir des comtes d’Eu au début du XIe siècle. Elle se transforma ensuite en église paroissiale.
En 1443, le curé de St-Nicolas n’était autre que maître Guillaume Manchon, l’un des greffiers qui avait, quelques années auparavant, rédigé le procès de condamnation de Jeanne d’Arc. Il avait même assisté à son supplice. Notaire apostolique, il était aussi le collègue d’un autre greffier moins connu, employé à l’Officialité, Pierre Cochon, qui fut l’auteur d’une intéressante Chronique Normande.
Dès l’expulsion des Anglais de Rouen, en 1449, Guillaume Manchon profita d’une période propice aux grands travaux pour entreprendre la reconstruction de la nef de son église.
Il eut alors recours aux fameuses lettres d’indulgence, à la générosité de ses paroissiens et à de lourds emprunts. Le chantier avança régulièrement jusqu’en 1452-1453. La nef fut alors entièrement pavée et toute la charpente posée. Le peintre Besoche, paroissien de St-Nicolas, avait décoré de fort belle manière les chapelles de l’intérieur de l’édifice.

Mais, dès 1496, une frénésie de bâtir prit de nouveau les Rouennais. St-Nicolas n’échappa pas à l’envie de reconstruction de ses paroissiens. Ils choisirent le même architecte qui œuvra à St- Vincent : Ambroise Harel. A la nef à sept travées avec ses bas-côtés préexistants, vint s’adjoindre une abside à trois pans, fermée d’un jubé sculpté et formant un ensemble bâti d’un seul élan, dessiné comme pour servir d’écrin à de très beaux vitraux.
De 1503 à 1533, l’église fut encore restructurée de fond en comble mais demeura inachevée : le manque de moyens ne permit pas de réaliser les voûtes de la nef, le portail et de terminer le clocher.
St-Nicolas subit le pillage des Huguenots en 1562.
Le dernier architecte qui exécuta des travaux de décoration fut Defrance, dans la première moitié du XVIIIe siècle. Il travailla à embellir le chœur (dont le jubé avait été enlevé dès 1728) en effectuant de nouveaux aménagements intérieurs.

La nef avait sept travées et était couverte de bois. La voûte ainsi construite était plus basse que les voûtes de pierre projetées ce qui, au dire des contemporains, avait un effet assez disgracieux malgré les peintures dont elle était recouverte.
Le portail principal n’était pas percé dans le mur occidental. Comme pour beaucoup d’églises du centre-ville, ce pignon s’appuyait sur des maisons particulières. La porte ouvrait sur la petite place St-Nicolas et occupait la dernière travée du bas du collatéral sud. Il avait été prévu de construire un avant-portail somptueux. Là aussi, les moyens avaient manqué et seuls les départs des arcs de cette avancée étaient visibles à la fin du XVIIIe siècle.
Une tour se dressait entre le chœur et la nef et portait le clocher en charpente recouvert d’ardoises.
Fermée lors de la Révolution, l’église St-Nicolas fut désaffectée en 1791. L’église et les cinq maisons qui avaient été construites dans le cimetière furent vendus pour une somme de 96.100 livres. L’église devint une remise pour les voitures de messagerie.
En 1840, un relais de postes situé à proximité de l’église eut raison de l’édifice religieux. St-Nicolas fut rasée.

Un moment, en 1839, l’abbé Godefroy, curé de Bonsecours, songea à racheter l’ancienne église pour la démonter totalement, pierre par pierre. Il voulait en transporter l’intégralité des matériaux à Bonsecours et la reconstruire. Les fonds lui manquèrent et il ne réalisa que plus tard Notre-Dame de Bonsecours. En 1843, la tour de St-Nicolas fut acquise par le comte de Gromesnil qui entreprit sa réédification à Cottévrard (arrondissement de Dieppe). L’église de cette modeste commune, à une trentaine de kilomètres de Rouen, était également dédiée à St-Nicolas. Jules Adeline a gratifié ses lecteurs d’une savoureuse évocation (après Rouen disparu) intitulée Rouen déménagé...
Les lieux actuels ne nous permettent plus d’apercevoir que de bien maigres vestiges plaqués contre un mur dans la rue de la Croix de Fer. Seule, la sacristie a été conservée au fond d’une cour de la rue St-Nicolas avec quelques rares débris de sculptures et une gargouille provenant du chœur de l’église, juchée sur un pilier.

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 9 personnes :
6 prêtres
3 acolytes
 
Mobilier

La contretable, datée de 1652, étaient d’Etienne Mazeline.
Parmi les vestiges dispersés, on peut noter que le grand Christ en bois sculpté qui se trouve à l’entrée du chœur de l’église St-Pierre du Grand-Quevilly provient de St-Nicolas de Rouen. Ce crucifix ou plutôt cette croix de consécration était autrefois la propriété de la famille Caban qui l’avait offert à cette paroisse du Grand-Quevilly au XIXe siècle. Cette église possède également une inscription commémorative de même provenance datée du 10 octobre 1500.

 
Tableaux
Au XVIIe siècle, Jean Le Tellier peignit une remarquable suite de tableaux, commandée pour orner l’église.
Un Christ remettant les clefs à saint Pierre de Pierre Letellier est conservé au Musée des Beaux Arts de Rouen. Le catalogue de Le Carpentier des saisies révolutionnaires cite également une Adoration des Bergers, un Jésus Christ descendu de sa croix et une Résurrection. Ces trois tableaux sont perdus.

 
Vitraux

Les verrières Renaissance (issues des mêmes ateliers d’où sortirent celles de St-Vincent) étaient justement célèbres. Les premiers vitraux mentionnés dans les comptes ont disparu peu à peu en raison des travaux de reconstruction. Ceux qui restaient avant la Révolution dataient des XVIe et XVIIe siècles. L’Assomption, la Visitation et la Pêche Miraculeuse étaient les plus renommés.
On a les relevés de 16 verrières réalisés par un prêtre nommé Jean Barc. Ils ont permis de localiser quelques panneaux en Angleterre (cathédrale de York, église de Chedgrave).
En 1802, Hampp et Stevenson (trafiquants notoires de vitraux qui s’illustrèrent après la Paix d’Amiens) achetèrent les belles verrières de St-Nicolas pour les revendre Outre-Manche. La Visitation (Verrière d’après Raphaël Sadlair, offerte par un curé de St-Nicolas, Gilles Dadré, à son église, et datée plutôt de 1550-1560 que - erreur commise en Angleterre - de 1625), a été remontée dans la cathédrale d’York, ainsi Adam et Eve déchus et Les Sept péchés capitaux. La Visitation, fut offerte à la même cathédrale en 1804 par Lord Frederick. Le Victoria and Albert Museum de Londres détient L’Annonciation et Homme pèlerin écoutant la parole de Dieu. Enfin, Le Triomphe de la Vierge a été remonté dans la fenêtre d’axe du chœur de l’église de Chedgrave (Norfolk).

Les sept pêchers capitaux
York (GB)

Le Triomphe de la Vierge

Adam et Eve chassés du Paradis - York (GB) Le char du triomphe
Eglise de Chedgrave (GB)
 
  Le pèlerinage de la Vie humaine L'Annonciation
Londres (Victoria & Albert M)
Prédication du Christ
Londres (Victoria & Albert M)
Le Salut
Romsey Abbey
 
La Visitation (Jean Barc) La Visitation York (Cathédrale)
 
Orgues
Le premier orgue remontait au second quart du XVe siècle et avait été réparé en 1442. En 1732, Charles Lefebvre, facteur d’orgues de Rouen, avait conçu un bel instrument.
L'orgue a été transporté en 1812 à la chapelle de l’Hôpital Général, l’actuel hôpital Charles Nicolle-C.H.U. de Rouen. Pour l'adapter à son nouvel emplacement, il avait été nécessaire de supprimer les grandes tourelles du couronnement et de scier deux pieds du soubassement. Maladroitement restauré en 1911, il avait toutefois conservé ses qualités. Une nouvelle fois restauré en 1986 par les facteurs Benoist et Sarrelot, il sert lors des concerts d’orgues des saisons musicales. Seul son transfert le sauva de la destruction. Il permet de présenter intact aux Rouennais un des nombreux modèles auxquels œuvra la dynastie des Lefebvre.
 
Confréries

Confrérie du Sacré Cœur.
Confrérie de sainte Reine.

 
Localisation


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Bibliographie
Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. IV, p. 358-369.
Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen, Lecoq de Villeray, 1759, p. 319-320.
Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, J. J. Expilly, Tome VI, 1770, p. 428-429.
Tableau de Rouen,
Machuel, 1777, p. 128-129.
Description historique des maisons de Rouen,
E. de la Quérière, 1821, p.232-233. T. II, 1841, p. 259-261.
Voyages dans l'ancienne France, Taylor et Naudier 1825, T. II, p. 68-69, planche 150
Lettres sur la ville de Rouen, Alexandre Lesguilliez, 1826, p. 322.
Notes historiques sur le Musée de peinture de la ville de Rouen, Charles de Beaurepaire, B.C.D.A., 1852-1853, p. 434.
Coup
d'œil  rétrospectif sur 24 églises paroissiales supprimées à la Révolution, E. de la Querrière, Bull Ste d'Emulation, 1864, p.248
Répertoire archéologique du départ. de la S.-Inf., Abbé Cochet, 1871, col, 389.
Nos anciennes églises du XVIe siècle,
E. Faroult, L'archi et la cons. dans l'Ouest, 1925-18, P. 108-111.
Rouen, Ville d'art et d'Histoire, Eglises, chapelles et cimetières à travers les âges
. Edgard Naillon, T. 2, 1936.
Tableaux français du XVIIe siècle et italiens des XVIIe et XVIIIe siècles, Pierre Rosenberg, 1966, p. 83.
Des vitraux rouennais retrouvés en Angleterre, F. Perrot, Bull AMR, 1976-1977, p. 42.
Clocher de Cottévrard provenant de Saint-Nicolas de Rouen, Bull. CDA, 1982-83, p. 79.
Rouen aux 100 clochers, F. Lemoine,
J. Tanguy, 2004, P. 76-78.
Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596)
, Laurence Riviale, 2007, p.187, 309.

© Copyright Jacques Tanguy, février 2013