Prieuré Saint-Lô et église

En 1144, l’église collégiale St-Lô de Rouen fut érigée en église d’un véritable prieuré par Algare, évêque de Coutances (et de St-Lô), ayant pouvoir de juridiction sur le territoire de sa propre enclave dans la ville. Cette église St-Lô brûla en 1188.
Le domaine dépendait de l’évêque de Coutances depuis l’octroi d’une concession dans la cité au prélat du Cotentin, Théodoric dit Thierry, par le duc Rollon, en 914.
La même église avait été partagée entre le prieuré et la paroisse St-Lô. Et, quelques désaccords intervinrent inévitablement en 1309. L’église fut foudroyée en 1316.
Une séparation fut nécessaire entre la vie monastique et le service de la paroisse et, dès 1344, une clôture la matérialisa. Ensuite, un mur mitoyen fut bâti. Enfin, au fil du temps, deux églises bien distinctes - mais sous le même vocable de St-Lô - furent édifiées mais ruinées en 1440.

Vers 1450, le prieur de St-Lô, Guillaume Le Bourg, avait déjà entrepris sur le même site la reconstruction d’une nouvelle église conventuelle mais son portail n’en fut élevé qu’en 1466 puis la totalité du monument.Une première Chambre des Comptes fut érigée par le roi Henri III en 1580, au sein même du logis prieural de St-Lô, avant d’être par la suite installée, en 1591, dans l’hôtel Romé de la rue des Carmes.
Une “abbaye de Ste-Brigitte” accueillant des Augustines Réformées, religieuses anglaises ou “Brigittines”, chassées des Iles Britanniques par la reine Elisabeth Ière, s’établit en 1580 à proximité du prieuré de St-Lô, face à l’actuelle rue Eugène Boudin. Elles avaient été appelées à Rouen par le cardinal-archevêque Charles Ier de Bourbon. Mais, après quelques années, expulsées par Henri IV, ces religieuses virent leur monastère supprimé à la fin du XVIe siècle et, plus tard, l’emplacement fut cédé au prieuré.
Avec une terrible épidémie de 1619 à 1623, la peste frappa les religieux, chassés de leur prieuré par ce fléau dévastateur.
Un réel état d’abandon du monastère survint lors de la peste de 1627 qui fit plus d’un million de morts dans le royaume.
En 1634, la grande salle dans laquelle jadis siégeait l’évêque de Coutances et qui tombait en ruine s’était totalement écroulée.
Le 3 août 1639, des chanoines réguliers de la congrégation de France, issus de Ste-Geneviève de Paris, arrivèrent à Rouen avec, comme unique mission, de prendre possession du monastère de St-Lô afin d’y introduire la Réforme. Le lieutenant du bailli faillit même donner l’ordre d’enfoncer les portes du prieuré de St-Lô qui résistait en vain. Bravant la farouche opposition des religieux hostiles à cette réforme, les émissaires parisiens investirent enfin les lieux.En septembre 1639, furent publiés les arrêts du Conseil Privé du roi Louis XIII concernant cette affaire.
Malgré de fortes réticences, la Réforme s’imposa et les religieux de St-Lô adhérèrent à la congrégation de France des Chanoines Réguliers de St-Augustin (CRSA) et Ste-Geneviève-du-Mont en était précisément le chef de file. Aussi, les religieux de cet ordre canonial avaient pris le nom de Génovéfains (ou Génovéfins).


Plan Zeller (1655)

L’église qui possédait une remarquable tour carrée était réputée être celle de la paroisse St-Lô, étant d’une plus  grande ampleur et avec un clocher monumental.
L’église du prieuré de St-Lô n’avait pas un tel clocher d’importance et surtout demeurait un édifice plus étroit et de moindre hauteur que l’autre église St-Lô, celle de la paroisse.
De solides murs séparaient nettement les deux églises St-Lô mais la plupart des auteurs anciens ont souvent fait des confusions entre les concessions respectives attribuées à la paroisse et au prieuré...
La peste apparut encore en 1649 dans la ville et les chanoines du prieuré de St-Lô furent appelés à l’Hôtel-Dieu, hôpital relevant  - sur le même site - du prieuré de Ste-Madeleine, situé près de la cathédrale (place de la Calende).
Les religieux de l’Hôtel-Dieu appartenaient également à la congrégation des Chanoines Augustins Réformée par les Génovéfains.

Dès juin 1651, les deux prieurés furent unis, leurs communautés respectives avaient opté pour la même congrégation religieuse lors de l’introduction de la Réforme. Les chanoines de la Madeleine s’intégrèrent à ceux du monastère de St-Lô dont le prieur fut l’unique autorité désormais.
Avec l’une des dernières épidémies de peste, vers 1651-1652, plus de 17 000 morts furent dénombrés à Rouen et aux alentours.
Ce fut au Lieu-de-Santé - où fut transféré plus tard l’Hôtel-Dieu “près Notre-Dame” - qu’une première cloche fut installée en 1679. Nicolas Brice, nouveau prieur élu à St-Lô de 1679 à 1704, la bénit, sous le règne de Louis XIV.
Il fut inhumé dans le chœur de l’église du prieuré de St-Lô. La famille Brice donna plusieurs chanoines au chapitre de la cathédrale et une chapelle de la cathédrale Notre-Dame de Rouen lui était dédiée (chapelle dite Ste-Catherine des Brice).
Des maisons achetées par le monastère au cours du XVIIe siècle accrurent le domaine des religieux. Celui-ci s’étendait jusque vers la rue de l’Aumône, actuelle rue des Fossés Louis VIII. Une porte existait, dès cette époque, pour accéder des jardins vers le prieuré.
A la Révolution, le prieuré fut supprimé en 1791.
La vente des biens du clergé suscita bien des convoitises de la part de la bourgeoisie mais également des administrations désirant obtenir à vil prix des bâtiments pour y loger des soldats et surtout pour pouvoir enfermer les nombreux prisonniers de la Révolution qui fit augmenter la population carcérale à un niveau rarement atteint. Aussi, le prieuré fut aménagé en 1792 à la fois en une caserne de gendarmerie et en une maison d’arrêt. Mais, aussitôt après la dispersion des religieux, les bâtiments monastiques furent d’abord réquisitionnés pour servir de prison.
L’église du monastère finit par s’écrouler en 1798 à la suite de l’église paroissiale voisine et seul son portail gothique est depuis resté en place. Le prieuré, bien qu’il fût consolidé, dut être démoli au début du XIXe siècle puisqu’en 1822, les derniers prisonniers avaient définitivement quitté les lieux trop vétustes.
Ces anciens bâtiments conventuels détruits libérèrent un terrain qui fut mis à la disposition des Frères des Ecoles Chrétiennes pour y bâtir un nouvel établissement scolaire pour garçons.

Une “Ecole Primaire Supérieure et Professionnelle” (ou Ecole Industrielle) fut inaugurée en 1886, implantée en restructurant et abattant les locaux de l’ancienne “Ecole Nationale Primaire d’Instituteurs” (ou Ecole Normale) déjà bâtie sur les lieux et qui succéda jusqu’en 1828 à l’Institution des Frères des Ecoles Chrétiennes antérieure à toutes ces installations.Le lycée Camille Saint-Saëns occupe désormais en partie le vaste domaine du prieuré de St-Lô  et réussit même récemment à étendre son emprise par la construction de bâtiments modernes en son sein, donnant sur la rue des Fossés Louis VIII.
Le caveau de messieurs de Brinon, membres d’une illustre famille de parlementaires rouennais, fut découvert fortuitement en juillet 1884 lors de la démolition de l’ancienne Ecole Normale (en vue de l’édification de l’Ecole Industrielle). Les cercueils du même type que ceux dont certains révolutionnaires avaient récupéré le plomb pour les convertir en balles de fusil étaient de la forme classique en vigueur au XVIIe siècle. Ils demeuraient à l’endroit où s'élevait l’ancien chœur de l’église conventuelle.

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 14 personnes  pour l'église:
12 prêtres
2 acolytes
Et de 6 chanoines pour le prieuré.
 
Mobilier

Au Musée des Antiquités de Rouen, la dalle tumulaire de dame Meheus du Chastelier, sans doute inhumée au cours du premier quart du XIVe siècle dans l’église du prieuré de St-Lô, demeure l’un des rares témoignages lapidaires sauvegardés et exposés. Une cuve en plomb provenant de la fontaine du prieuré de St-Lô est également conservée dans le même musée.

 
Tableaux
Un tableau représentant Saint-Jean à Pathmos, d'après Charles Le Brun, est conservé au Musée des Beaux Arts de Rouen.

 
Localisation


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Bibliographie
Voyages Liturgiques de France, Moleon (Sieur de), 1718, p. 389-406
Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. IV, p.112-146. t VI, p. 1-48
Description géographique et Historique,..., Toussaint Duplessis, 1740, t II, p.52,...
Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen,
Lecoq de Villeray, 1759, p.289-292, 383-385.
Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, J. J. Expilly, Tome VI, 1770, p. 427-428.
Tableau de Rouen,
Machuel, 1777, p. 107-111, 170-171.
Dissertation sur le temple ancien auquel on croit qu'a succédé l'église de Saint-Lô,
L. Marquis, Préc. Acad. 1819, p. 121.
Description historique des maisons de Rouen,
E. de la Quérière, 1821, p.228-229. T. II, 1841, p. 251-252..
Dissertation sur le temple qui aurait précédé l'église St-Lô, Gosseaume, Préc. Acad, 1821, p. 123.

Lettres sur la ville de Rouen
, Alexandre Lesguilliez, 1826, p. 312.
Exploration de la Normandie - Rouen, Walsh, 1835, p. 448-452.
Notes historiques sur le Musée de peinture de la ville de Rouen, Charles de Beaurepaire, B.C.D.A., 1852-1853, p. 431.
Coup
d'œil  rétrospectif sur 24 églises paroissiales supprimées à la Révolution, E. de la Querrière, Bull Ste d'Emulation, 1864, p.243
Un chapitre inédit de l'histoire de prieuré de St-Lô de Rouen, L. de Glanville, 1865.
Curieux privilèges de l'ancien prieuré de St-Lô de Rouen,
L. de Glanville, 1871.
Répertoire archéologique du départ. de la S.-Inf.,
Abbé Cochet, 1871, col, 377, 390-391.
Notice sur l'église St-Lô de Rouen, Ch. de Beaurepaire, Bull. CDA, 1882-1884, p. 146-148.
Inscriptions de Saint-Lô,
G. Gouellain, Bull. CDA, 1885-1887, p. 5-8.
Histoire du prieuré Saint-Lô de Rouen
, L. de Glanville, 1890.
A propos de l'écroulement de l'église Saint-Lô, L. Dubreuil, Bull. CDA, 1932-1937, p;119-121.
T
ableaux français du XVIIe s. et italiens des XVIIe et XVIIIe s. P. Rosenberg, 1966, p. 79.
Observations faites sur le site de l'ancienne église St-Lô de Rouen, G. Dubois, 1966.
Ruine de l'église Saint-Lô,
Bull. CDA, 1970-1971, p. 65-66.
Observations sur l'origine de quelques églises de Rouen,
J. Le Maho, Bull. CDA, 1994, p. 30-32.
Rouen, du passé toujours présent... au passé perdu, Y. Pailhés, 2004, p. 104-105.
Rouen aux 100 clochers, F. Lemoine,
J. Tanguy, 2004, P. 60-61.
Rouen à la Renaissance, L.-R; Delsalle, 2007, p.117-122.
Trois paroisses de Rouen XIIIe-XVe siècles, Ph. Cailleux, 2012.

© Copyright Jacques Tanguy, février 2013