Chapelle du collège des Jésuites

En 1565, le cardinal Charles Ier de Bourbon, archevêque de Rouen depuis 1550, décida de fonder un nouveau collège dans sa ville. En 1569, il pensa à en proposer la direction aux Jésuites. Ils arrivèrent à Rouen en 1583. Le cardinal de Bourbon avait acquis à leur profit l’hôtel de Maulévrier, au dessus de la grande abbaye de St-Ouen. Cet hôtel était situé sur la paroisse de St-Godard. Au XVe siècle, il avait appartenu au Grand Sénéchal de Normandie, Pierre de Brézé.
De nombreuses difficultés apparurent, suscitées par les jésuites qui trouvaient les conditions financières un peu limitées par rapport au projet. A la mort du cardinal, en 1590, l’affaire avait peu avancé.

C’est la Ligue qui la fit aboutir. Maîtresse de Rouen à la suite d’un coup de force en 1589, ce fut elle qui pratiquement imposa aux Jésuite l’ouverture du collège au début de l’année 1593. Il prit le nom de Collège archiépiscopal de Bourbon, en souvenir du cardinal, roi fantoche de la Ligue. La réduction de la ville en l’obéissance d’Henri IV ne lui faut pas fatale, le roi confirmant les commandements des ligueurs. Mais, quelques mois plus tard, le 27 décembre 1594, Jean Chastel, ancien élève des Jésuites tenta d’assassiner le roi. Le coupable fut écartelé... Les Jésuites furent bannis du royaume et leur collège rouennais fermé au début de l’année 1595.
En septembre 1603, par son édit de Rouen, Henri IV leva la sanction prise à l’égard des pères de la Compagnie de Jésus. Dès 1604, le Collège des Jésuites de Rouen fut  réouvert aux élèves le jour de la St-Luc (18 octobre). Les progrès furent rapides. De 1.420 élèves la première année, on atteignit bientôt 5.500 inscrits, ce qui en faisait le premier collège jésuite de France. Parmi eux, de 1615 à 1622, il y avait Pierre Corneille qui devait, bien plus tard donner son nom au lycée qui prit la suite du collège. D’autres personnages célèbre le fréquentèrent sous l’ancien régime : Fontenelle, Cavelier de La Salle en particulier.
Les bâtiments de l’ancien hôtel de Maulévrier furent peu à peu aménagés pour les rendre aptes à l’enseignement.
La modeste église provisoire des débuts fut remplacée par la chapelle qui existe encore de nos jours. Divers achats de terrains permirent de l’asseoir. Là, se trouvait en particulier l’ancien hôtel d’Ô  qui fut la propriété de Jehan d’Ô, capitaine des gardes écossaises du roi. Marie de Médicis, reine-mère et régente, en posa la première pierre le 10 avril 1615.
De 1615 à 1624, le chœur, le transept et deux travées de la nef furent élevés, en grande partie avec des pierres provenant des démolitions du château Gaillard près des Andelys, concédées par le roi Louis XIII. Le portail et la façade furent alors commencés. Le modèle était la chapelle du collège de Nevers. Mais il ne fut pas suivi en tous points en raison de l’exiguïté de l’ouverture vers la rue. Si les documents nous ont donné le nom de l’entrepreneur, Jehan Boudin de Rouen, on ne connaît pas celui de l’architecte.

C’est en 1631 que l’archevêque de Rouen, François de Harlay dit la première messe dans cette église dédiée à saint Louis. Mais les travaux n’étaient pas achevés et on peut les suivre jusqu’en 1704, date de la consécration par l’archevêque Nicolas Colbert. Le grand degré de la rue Bourg l’Abbé ne fut construit qu’en 1731.
En 1762 un arrêt du parlement de Rouen ordonna la fermeture de toutes les maisons des Jésuites en Normandie.Les Jésuite de Rouen furent expulsés comme leurs confrères. Le collège ne disparut pas et devint Collège Royal. L’église fut sauvée grâce à l’intervention du cardinal de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen.
Les bâtiments du collège étaient établis autour de plusieurs cours, tout au long de la rue du Grand-Maulévrier. Depuis le sud, et la chapelle, on rencontrait d’abord la cour d’honneur, dite Cour des Classes dans un devis du XVIIIe siècle. Le bâtiment qui forme son coté est, construit en 1734 par l’architecte rouennais Martinet en même temps que le côté nord, contient, au premier étage, la fameuse salle des Actes. Au-dessus nous avons la cour des écoliers et enfin le séminaire de Joyeuse, au nord.

A l’origine l’église était conçue selon un plan centré. Après 1620, alors que le chantier battait son plein, c’est une église en forme de croix latine qui fut édifiée. Selon les préceptes en vigueur chez les Jésuites, elle n’était pas orientée, son chevet faisant face au nord. Elle présente un curieux compromis entre les techniques médiévales (voûtes sur croisées d’ogives, gros murs-boutants) et le décor classique cher aux jésuites (pilastres et de corniches d’ordre corinthien, arcs en plein cintre).
La nef est unique. Les voûtes sont sur croisée d’ogives. Comme le chevet, les bras du transept se terminent en abside à trois pans. Quatre vastes tribunes, ou chapelles suspendues, sont réparties aux angles de la croisée du transept. Un dôme surmonté d’une flèche était vraisemblablement prévu au dessus de la croisée. Il a été remplacé par une toiture en forme de pyramide.

Les maisons particulières, maintenant démolies, qui se trouvaient de par et d’autre de la porte ont empêché le développement prévu de la façade. Le résultat est étriquée, manquant d’ampleur, et n’a été terminé que vers le milieu du XVIIIe siècle.
L’ancien établissement des Jésuites fut plus tard nommé lycée impérial et, enfin, lycée Corneille (à partir de 1872). Il connut des professeur réputés comme la philosophe Alain et des élèves non moins connus comme André Maurois.
La chapelle du lycée, maintes fois menacée ne fut sauvée que par la mobilisation des amoureux des Arts à la fin du XIXe siècle. Elle a été classée Monument Historique en 1908.
Utilisée à des fins culturelles, la Chapelle a servi de cadre à des concerts de plusieurs festivals régionaux. Il est en passe de devenir Auditorium Régional.

 
Clergé
En 1723, la communauté comptait 24 religieux et 6 frères.
Les revenus de la communauté étaient de 2 400 livres.
 
Mobilier

Une bonne partie du mobilier de l’église a disparu lors de la fermeture du collège en 1762. Ce qui reste comprend la décoration sculptée, le retable du maître-autel et  un Christ de Girardon (1628-1675).
L’autel de la chapelle de la Passion et ses lambris peints et dorés sont maintenant dans l’église de Pinterville (Eure).

 

 
 
Tableaux
Plusieurs tableaux étaient déposés dans la chapelle, en particulier L'Ascension de Pierre Letellier, provenant de l'autel principal de l'église Saint-Nicaise. L'Ascension est retournée au Musée des Beaux-Arts pendant les travaux.

L'Ascension

 
Orgues
Le grand orgue a été transporté dans l'église de Pont-Audemer.
Le buffet comporte des boiseries du XVIe siècle. Il est orné de trois tourelles.
Il est composé de 17 jeux répartis sur deux claviers manuels et un pédalier.
Il a été restauré entre 1996 et 2000 par Michel Giroud de Grenoble.
 
Localisation


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Bibliographie
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Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen, Lecoq de Villeray, 1759, p. 419-425.
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Caveau de la chapelle du Collège Royal, Abb. Cochet, Revue de Rouen, 1844, p. 298-306.
Sur les caveaux de la Chapelle du Collège de Rouen,
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Travaux et fouilles de Bicêtre,
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Description historique des maisons de Rouen,
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Notes sur l'église du Collège des Jésuites,
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Vues prises dans la Lycée : la Chapelle,
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Chapelle du Lycée de Rouen. Requette présentée par les PP. Jésuites,
Ch de Beaurepaire, Bull. CDI, 1897-1899, p. 136-137.
Les Jésuites à Rouen,
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T
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La chapelle
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La chapelle du Lycée Corneille de Rouen, ancienne église du collège des Jésuites, O. Chaline, Bull. AMR, 2011, p. 37-68.
Eglises et chapelles de Rouen, un patrimoine à (re)découvrir, O. Chaline, AMR, 2017, p.215-223

© Copyright Jacques Tanguy, février 2013