Prieuré Notre-Dame du Parc (Grandmont)

Résultat d’une longue histoire, le prieuré de Grandmont (les rouennais ont pris l’habitude de dire le prieuré de Grammont) n’a conservé que son église, au milieu d’un quartier qui fut longtemps déshérité et qui bénéficie depuis quelques années d’un important programme de réhabilitation.
D’après l’historien rouennais Farin, le duc-roi Henri II Plantagenêt avait donné une partie de la forêt du Rouvray, un ancien parc de chasse, aux religieux de l’ordre de Grandmont. Ils s’y installèrent vers 1154 ou 1180. Mais les chasseurs gênaient la communauté naissante et le roi leur donna son parc et les prairies aux environs. Ce parc donna son nom au sanctuaire : Notre-Dame-du-Parc.
Situé en dehors de toute enceinte militaire, dans une zone inondable, le Prieuré eut à subir les injures des eaux et des hommes. Les inondations de 1372, 1496, 1571, 1658 et 1740 y firent d’importants dégâts. Il souffrit aussi des incendies des soldats navarrais en 1370 et 1405, fut occupé par les Anglais en 1418, pillé par les protestants en 1562, ruiné encore par les troupes d’Henri IV en 1592.

Le XVe siècle vit le prieuré passer sous le régime de la Commende. Cette pratique consistait à donner le titre de Prieur à un grand personnage, au mépris des règles d’élection qui avaient prévalu jusque là. Le premier prieur commendataire fut l’abbé général de l’ordre des Grandmont, Pierre de Rédondeau, en 1409. Ses successeurs, parfois éminents comme les archevêques de Rouen Guillaume d’estouteville ou Robert de Croixmare, ne résidaient souvent que fort peu au prieuré et négligeaient son administration. Ils se contentaient d’en toucher les revenus.
En 1592, le prieur commendataire Jacques Tillet résigna son bénéfice au profit des Jésuites en mal de financement pour leur collège de Rouen. Il ne s’agissait pas d’une disparition de la fondation Grandmontaine, mais d’une banale opération financière. Elle n’alla pas sans mal, les religieux qui n’avaient pas été consultés résistèrent en déposant une requête d’opposition devant le Parlement de la Ligue. Ils furent déboutés. Henri IV, de son côté, avait donné le Prieuré à un de ses féaux, Jacques Bernage fut contraint d’attendre la reprise de la ville par les royalistes pour en prendre possession. Il fallu bien des procès, jusqu’en 1635, pour que les Jésuite retrouve la jouissance du Prieuré.

Lors de la dissolution de l’ordre, Il n’y avait plus que neuf religieux dans la maison de Rouen. Les biens du prieuré furent réunis à la mense épiscopale du collège de Lisieux. On expulsa définitivement les religieux qui restaient en 1770 et leurs biens furent vendus. En 1773, le séminaire de Lisieux affermait l’enclos à Laurent-François Coquerel qui le transforma en caserne, et en poudrière.
Les bâtiments du prieuré étaient dispersés dans un vaste enclos, le Parc. Il était circonscrit par la chaussée de St-Sever à l’ouest, le chemin de Sotteville au sud, un chemin joignant l’actuelle place Voltaire à la Seine à l’est, et le fleuve au nord. L’île Lacroix et les autres îles faisaient partie du domaine.
Le noyau était constituée par le cloître, situé au nord de l’église conventuelle. Autour se disposaient la salle capitulaire, le réfectoire, la bibliothèque et le dortoir.

D’une longueur de 36 mètres, l’église est orientée régulièrement vers l’est. Elle est composée d’un vaisseau unique voûté en berceau brisé sans doubleaux. Il n’y a pas de fenêtres dans les murs latéraux. L’intérieur était entièrement couvert de peintures.
L’abside semi-circulaire est supporté par des ogives qui se rassemblent en une clef circulaire sculptée. Trois hautes fenêtres l’éclairent largement. La porte devait se trouver à l’ouest du mur septentrional et communiquer avec le cloître. Contre le même flanc devait s’élever une chapelle. D’après Farin, elle était dédiée à sainte Catherine.
Sur la grande vue de Rouen de Jacques Le Lieur, on voit un petit clocher juché au milieu du faîte du toit. Il devait s’agir une construction de charpente recouverte d’ardoises.
A la Révolution, les biens du prieuré devinrent Biens Nationaux. En 1793, Jean-Baptiste Lemire acquit toute la partie correspondant au Grand-Cours pour une somme de 252.900 livres. Comme les autres parties du clos, elle fut ensuite morcelée en différentes propriété qui furent vendues et revendues tout au long du XIXe siècle.

Placé près de la gare de chemin de fer installée sur le Grand-Cours en 1843, le quartier était appelé à un grand développement. Des conventions passées par la Ville de Rouen avec les différents propriétaires permirent l’ouvertures de voies nouvelles dans la deuxième moitié du siècle, les noms données aux rue rappelant souvent les noms de ces propriétaires (de Bammeville par exemple).
L’église a été sauvée. La ville de Rouen en est maintenant propriétaire et l’a fait restaurer en 1970. Elle a pris le vocable de l’ancienne Chapelle, Ste-Catherine.

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 10 personnes :
9 religieux-prêtres
1 frère
En 1723, les revenus de la communauté étaient de 8 358 livres.
 
Tableaux
Un tableau d'un anonyme rouennais du XVIIe siècle, Infirmes, blessés et prisonniers, priant au tombeau de Saint-Etienne-de-Muret, a été donné en 1802 par M. Le Brumet à l'église de Roncherolle-sur-le-Vivier.
Deux autres tableaux étaient conservés à l'Hospice de Pont-Audemer. L'un d'entre eux a échappé à la destruction sous l'occupation : la Remise à Saint-Etienne des insignes d'abbé. Il est maintenant au Musée Canel, après sa restauration en 2004. Le dernier représentait la Réception de Saint-Etienne par le Pape.

Infirmes, blessés et prisonniers, priant au tombeau
de Saint-Etienne-de-Muret

Remise à Saint-Etienne des insignes d'abbé

 
Localisation


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Bibliographie
Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. VI, p. 92-106.
Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen, Lecoq de Villeray, 1759, p. 388-389.
Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, J. J. Expilly, Tome VI, 1770, p. 438-439.
Description historique des maisons de Rouen,
E. de la Quérière, 1821, p.122. T. II, 1841, p. 147-148.
Notice historique sur l'ancien prieuré de Gradmont,
Durand, Revue de la Normandie, 1862, p. 810-819.
Répertoire archéologique du départ. de la S.-Inf.,
Abbé Cochet, 1871, col, 378.
Histoire du Prieuré de Grammont, Ch. Farcy, Bull. AMR, 1932-1934, p. 22.
Sotteville-lès-Rouen et la faubourg de Saint-Sever,
P. Duchemin, 1893, p. 343-403.
Histoire ancienne et moderne de la paroisse de Saint-Sever,
Ch. Farcy, 1933, p. 205.
Les prieuré de Grandmont, des origines à nos jours,
Ch. Farcy, 1934.
Prieuré de Grandmont,
G. Lanfry, Bull. CDA, 1968-1969, p. 26.
Rouen, le prieuré de Grammont,
P. M Lefebvre, Bull. CDA, 1968-1969, p. 199-200.
Notre-Dame du Parc, église du Prieuré de Grandmont à Rouen,
J. R. Gaborit, RSS-HN, 1969, p. 15-26.
Visite de la CDA à la chapelle de Grammont,
Bull. CDA, 1970-71, p. 97-98.
Eglise de Grammont, pavements,
Bull. CDA, 1974-75, p.32.
La peinture d'inspiration religieuse à Rouen au temps de Pierre Corneille, D. Lavalle, P. Rosenberg, 1984, p. 72-74
Notre-Dame du Parc : le prieuré rouennais de Grandmont,
L. Delsalle, Bull. AMR, 1994, p. 11-31.
Haute-Normandie Gothique,
Y. Bottineau-Fuchs, 2001, p.354-355.
Rouen aux 100 clochers, F. Lemoine, J. Tanguy, 2004, P. 117-118.
Rouen Insolite et Secret, J. Tanguy, T, 3, 2013, p. 52-53.
Eglises et chapelles de Rouen, un patrimoine à (re)découvrir, L.-R. Delsalle, AMR, 2017, p.77-79.

© Copyright Jacques Tanguy, février 2013