Monastère des Carmes

                      Plan Gomboust (1655)

A Rouen, c’est grâce à l’archevêque Eudes Rigaud, grand ami de saint Louis, qu’un monastère fut ouvert pour ces religieux. Il devint vite très influent dans la cité.
En 1260, des Carmes s’établissaient dans une chapelle située dans le faubourg St-Sever, la chapelle St-Yves. La rive gauche où ils résidaient était souvent menacée par les. Suite à de fréquents dégâts dus aux crues de la Seine, ils obtinrent, en 1336, de l’archevêque de Rouen, Pierre Roger de Beaufort Ier, le futur pape Clément VI, un emplacement plus vaste et plus sûr pour leur couvent, sur la rive droite, dans la paroisse de St-Lô.

Une chapelle, modeste sanctuaire dédié à sainte Apolline, était autrefois un oratoire de porte. Une ancienne porte située tout à côté et visible sur un dessin de Jacques Le Lieur est ainsi appelée. C’était la plus ancienne porte Beauvoisine.
Elle a été cédé cédée aux religieux. A côté, se trouvait une petite maison destinée à les loger.
Petits propriétaires au début du XIVe siècle, les Carmes s’étendirent peu à peu aux alentours, jusqu’à l’hôtel de Sées, un domaine dont ils acquirent la partie occidentale en 1381. pendant toute cette période, la protection royale ne leur manqua pas. Lorsque St-Louis donna l’emplacement des anciens fossés pour construire des maisons pour les pauvres, il fit bien préciser “que ces maisons soient basses et sans cheminées, afin de ne pas incommoder les dortoirs des religieux”.
Au XVe siècle, la protection de Jean de Lancastre, duc de Bedford, obtenue grâce au théologien anglais Thomas Netter permit au Carmes de se développer notablement. Ils construisirent en 1428 une nouvelle église conventuelle, Notre-Dame des Carmes, avec une nef unique, voûtée de bois, munie d’un petit clocher en son milieu, et un cloître.
Le monastère des Carmes fut le siège de confréries. Celle des brodeurs-chasubliers était dans la chapelle St-Clair de l’église. Celle de l’Immaculée Conception (ou Puy des “Palinods”) demeure la plus illustre. Elle se réunissait aux carmes depuis 1515, après s’être réunie dans l’église paroissiale St-Jean. Le 8 décembre, les lauréats du Puy des “Palinods”, y étaient couronnés pour leurs meilleures pièces de poésie en l’honneur de la Vierge.
Le cardinal Georges Ier d’Amboise prit pour suffragant un religieux carme de Rouen, élevé évêque in partibus de Philadelphie, Henri Potin. Il bénit la tour de Beurre de la cathédrale de Rouen en 1496 et fut inhumé dans le chœur de l’église.
Le plan Gomboust (1655) montre la disposition du monastère. Les Carmes occupaient alors un espace compris entre l’ancienne muraille gallo-romaine au nord et la rue de la Chaîne au sud. Le cloître était au centre. Comme d’habitude, les bâtiments conventuels l’entouraient. Le dortoir devait se trouver au nord, appuyé sur l’antique muraille de la ville. Un jardin s’étendait vers l’est.
Elle apparaît sur l’une des bandes du fameux Livre des Fontaines de Jacques Le Lieur (en 1525 c’était encore la chapelle Ste-Appoline) et sur le plan Gomboust. Elle se situait entre les bâtiments monastiques et la rue des Carmes (ancienne rue Grand-Pont qui avait prit le nom de la communauté), limitée au sud par la rue de la Chaîne.
Les dimensions étaient assez imposantes. Elle devait occuper à peu près tout l’espace qui forme maintenant la partie occidentale de la place des Carmes, soit une longueur de près de cinquante mètres.

On peut estimer qu’elle comportait huit travées. Elle possédait un bas-côté au moins pour le sud.
Son portail principal donnait sur la grande rue. Il devait être précédé d’un avant portail surmonté d’un gâble cachant en partie la grande baie du pignon. Le chevet atteignait les abords du cloître.
Le clocher se trouvait au centre du faîte de la toiture.
Supprimé dès le début de la Révolution et détruit quelques années après, le monastère des Carmes vit cependant subsister son église jusqu’en 1810. Pendant un temps, peu après 1790, la “Société Populaire” siégea dans les anciens locaux désaffectés avant de s’installer dans l’église paroissiale St-Laurent.
Au début du XXe siècle, au nord de la place des Carmes, quelques vestiges de l’église étaient encore visibles dans un commerce. Lors de la seconde guerre mondiale, le quartier des Carmes a été gravement sinistré lors du bombardement du 19 avril 1944 et toutes ces ruines ont disparu.

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 27 personnes :
21 religieux-prêtres ou acolytes
6 frères.
En 1723, les revenus de la communauté étaient de 3 356 livres.
 
Mobilier

Quelques pièces du mobilier ont été conservées.
D’après Charles de Beaurepaire, certains éléments de mobilier et des objets de culte des Carmes se trouveraient dans l’église paroissiale de Routes, près de Doudeville (Seine-Maritime).
Des pavés en terre vernissée provenant du monastère sont dans une vitrine du Musée des Antiquités de Rouen. Enfin, quelques lambris provenant de l’église ont été remontés dans l’église paroissiale St-Patrice de Rouen.

 
Tableaux
Un tableau du Vernonnais Pierre Le Tellier (1614-1676), neveu et élève du grand peintre Nicolas Poussin, saisi à la Révolution se trouve maintenant au Musée des Beaux-arts. Il représente La Remise du rosaire à saint Dominique.
La Remise du rosaire à saint Dominique
 
Orgues
Un grand orgue fut aussi installé dans l’église conventuelle en 1647. Il a disparu à la Révolution.
 
Localisation


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Bibliographie
Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. VI, p. 195-220.
Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen, Lecoq de Villeray, 1759, p. 401-403.
Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, J. J. Expilly, Tome VI, 1770, p. 441.
Tableau de Rouen,
Machuel, 1777, p. 172.
Description historique des maisons de Rouen,
E. de la Quérière, 1821, p.258. T. II, 1841, p. 277.
Répertoire archéologique du départ. de la S.-Inf.,
Abbé Cochet, 1871, col, 379-380.
Journal de Rouen, G. Dubosc, 9 octobre 1902, p. 2.
La peinture d'inspiration religieuse à Rouen au temps de Pierre Corneille, M. A. Dupuy, 1984, p. 144.
Rouen aux 100 clochers, F. Lemoine et J. Tanguy, 2004, p. 109-111.
Rouen à la Renaissance, L.-R; Delsalle, 2007, p.105-111.

© Copyright Jacques Tanguy, février 2013