La médaille commémorative de la cloche Georges d'Amboise

 
Dans la séance capitulaire du 29 septembre 1500, Jacques de Cassignoles déclara que Georges d'Amboise avait la volonté de faire la plus belle cloche du royaume. A cet effet, ilfournit 4.000 livres de la part du cardinal.
Un premier moule pour une cloche pesant environ 42.000 livres fut esquissé dans l'aître nord (cour d'Albane). Sur l'avis de divers spécialiste, le poids et l'encombrement furent jugés trop importants. Le Moule fut cassé et un nouveau moule construit. On expertisa la tour et le beffroi pour vérifier de leur solidité. Le 2 août 1501, jour de la fonte, une procession solennelle fit le tour de la cathédrale et de l'archevêché. La fusion se fit sans problème. On fit sonner le cloches et le clergé entonna un Te Deum.

On grava sur la cloche l'inscription :
Ipsa ego sum quamvis sonitu veneranda tonanti,
Prima est auctori gloria dansa méo.
Namque ter et denis cum ternis millibus a
æris
Obtulit, haec vero dona dicata Deo.
Scilicet Ambosius qui sancta, Georgisus, arma
Cunctaque Francigenis tracta habenda visis.
Rotomagus tanto felix antistite gaudet :
Cum sit Cardinei gloria summa chori.

Au-dessous se trouvait :
Anno à natali Christi 1501, regnante Ludovico XII, Francorum rege.
Jean Le Machon, demeurant à Chartres, m'a faite.
Sur le pourtour :
Je suis nommée Georges d'Amboise,
qui bien trente-six mille poise;
Et cil qui bien me pèsera
Quarante mille y trouvera.

Jean Le Machon décèdera le 21 août, par excès de joie d'avoir réussi son oeuvre d'après Dom Pommeraye. Il a été enterré au bas de la nef de la cathédrale.

La cloche Georges d'Amboise avait été fondue avec du métal rapporté d'Allemagne par Jean Le Machon.
Elle pesait 36.364 livres et avait 8 pieds 4 pouces de diamètre et 10 pieds de hauteur. C'était la plus grosse cloche de France. Elle avait été montée dans la Tour de Beurre le 9 octobre 1501, sans problème particulier.
Elle avait été mise en branle la première fois le 16 février 1502 pour saluer l'arrivée du Cardinal d'Amboise qui en avait fait les frais.

Elle posait quelques problèmes dans son utilisation. Tout d'abord, il fallait près de 30 hommes pour la mettre en branle (ce chiffre fut ensuite réduit à 11) Mais les vibrations induites affectaient la solidité de la tour. On disait alors qu'elle était "étonnée".
Un habile ferronnier espagnol apporta quelques modifications et un nouveau battant
On la sonnait rarement, et dans les grandes occasions. Le son portait fort loin : 6 à 8 lieues.

En 1628, le musicien Titelouse, était le commissaire du Chapitre lors d'une intervention sur la cloche

La dernière fois qu'elle se fit entendre, ce fut le 28 juin 1786 pour saluer l'entrée du roi Louis XVI dans la ville. Certains y virent un funeste présage.

Suite à une loi du 22 avril 1791, les municipalités obtinrent la possibilité d'exploiter le métal des cloches de la ville jugées surnuméraires.
Une réunion sous la direction de M. Lamandé, ingénieur en chef du département, et de M. Lambert, directeur de la monnaie, fut organisée à la cathédrale pour étudier les moyens de la démolir. On considéra qu'il était dangereux de la descendre de la tour. On décida de la casser sur place. Les fonderies de Romilly sur Andelle se portèrent adjudicataire.
La fabrique de la cathédrale s'activa à la conservation de ses cloches. En juillet 1792, elle écrivit aux Administrateurs du Département à cet effet. Le Directoire accéda à sa demande, sauf en ce qui concernait la Georges d'Amboise, en raison de l'accident qui lui était arrivé.

La cloche a été brisée à coups de masse dans la Tour de Beurre au mois de mars 1793. Les débris pesèrent 35.391 livres. Ils ont été transportés à la fonderie de Romilly pour y être convertis en canon.
Plusieurs fragments récupérés par le fils du surveillant des travaux furent adressés à la Monnaie de Paris pour frapper quelques exemplaires de la médaille.
D'après l'abbé Cochet, des fragments sont conservés au Musée des Antiquités.
Au musée des Antiquités, on conserva le battant de 1.500 livres fabriqué en 1735 par Jacques Boniface Le Friand.

En 1920, on avait figuré sur le pavage de la place, en face de la Tour de Beurre, un cercle figurant le diamètre de la cloche. Ce cercle a disparu lors de la pose du nouveau pavage.

M. de Beaurepaire dit qu'on fit quatre médailles avec des fragments de fonte de la cloche. Elles auraient été offertes par la ville à la Convention, au Conseil Exécutif et à la Commune de Paris. Une avait été exposée au Cabinet des médailles de la Bibliothèque Nationale.
Nous avons la chance de posséder un exemplaire de la médaille grâce à l'obligeance de M. Alain Lecorf.

 
   

   
En 1920-1923, on décida de faire figurer dans le pavage de la place des cercles indiquant le diamètre des plus grosses cloches de la Cathédrale. Au nord, on montra le diamètre de la "Jeanne d'Arc", et au sud, au pied de la Tour de Beurre, celui de la Georges d'Amboise. Ces indications ont disparu dans les années 1970 lors de la mise en voie piétonne de la place.
Bibliographie
Eglise cathédrale de Rouen, Dom Pommeraye, 1686, p. 48-51.
Vie du Cardinal d'Amboise, Louis Le Gendre, 1727, p. 270-273.
Histoire métallique de la Révolution Française
, Aubin Louis Millin 1806, planche XIII.
Les Fastes de Rouende Rouen, Hercule Grisel, 1868, p. 260-261.
La cathédrale de Rouen au XVIe siècle
, La semaine religieuse, 26/03/1870, p. 80-87.
Les cloches des églises de Rouen, Julien Loth 1870, p. 9-17.
Histoire métallique de la Révolution Française, AUbin Louis Millin 1806, planche XIII.
Médaille commémorative de la cloche Georges d'Amboise, Bulletin de la C.D.A., 1875, p. 386-388.
Tombeaux de la Cathédrale de Rouen, A. Deville, 1837. Réd Bousquet, 1881, p. 176-180.
Notice sur la destruction du bourdon Georges d'Amboise et des grilles du choeur de la cathédrale
, Charles Robillard de Beaurepaire, Bulletin de la C.D.A., 1888-1890, p. 35-65.
Le bourdon Georges d'Amboise en 1628, A. Tougard, Bulletin de la C.D.A., 1897, p. 23.
Les cloches des églises de Rouen, Julien Loth, 2e édition, 1903, p. 7-18.
Par ci, par là, La figuration de la cloche Georges d'Amboise, G. Dubosc, Journale de Rouen, 16/05/1920.


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